Le point sur Jonas Kaufmann

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Où va-t-il ? C’est une question qu’en raison même de la diversité de ses dons, les dramatiques comme les vocaux, on se pose, et depuis deux ou trois ans déjà. La musicalité poétique, la suprême ; le charme envoûtant du timbre et, plus rare encore, celui de la phrase chantée ; le prestige physique, l’étoffe si l’on peut dire naturellement star, que magnifie encore l’évidence d’un travail, invisible mais immense, sur les rôles, sur les textes. Winterreise et Schöne Müllerin, tests suprêmes au lied, par la durée, par les mots et les humeurs, par les nuances entre les strophes (dans Müllerin) donnés de bout en bout avec une autorité immobile et en quelque sorte muette, tout le contraire d’un ascendant d’acteur, devant des salles de 2000 personnes qui retiennent leur souffle. Et au théâtre, après Siegmund de la Walkyrie et Parsifal dans l’espace énorme du Met, les plus vibrants Manrico de Trovatore et Alvaro de Forza del Destino, tous deux en 2013, à Munich, en équipe, avec des partenaires de son rang. Des Grieux de Puccini est pour demain, Chénier et l’Otello de Verdi pour après-demain. À peine en milieu de quarantaine, une énergie ascensionnelle qui pour l’instant est encore celle même de la vie, émane de lui, et rayonne. Ces six ou sept dernières années littéralement il a éclaté, Lohengrin à Munich, Don José à Londres, Werther à Paris le consacraient dans sa différence : romantique, poétique comme on n’ose plus et ne sait plus l’être, la voix et ce regard qui va...

johans_kaufmannOù va-t-il ? C’est une question qu’en raison même de la diversité de ses dons, les dramatiques comme les vocaux, on se pose, et depuis deux ou trois ans déjà. La musicalité poétique, la suprême ; le charme envoûtant du timbre et, plus rare encore, celui de la phrase chantée ; le prestige physique, l’étoffe si l’on peut dire naturellement star, que magnifie encore l’évidence d’un travail, invisible mais immense, sur les rôles, sur les textes. Winterreise et Schöne Müllerin, tests suprêmes au lied, par la durée, par les mots et les humeurs, par les nuances entre les strophes (dans Müllerin) donnés de bout en bout avec une autorité immobile et en quelque sorte muette, tout le contraire d’un ascendant d’acteur, devant des salles de 2000 personnes qui retiennent leur souffle. Et au théâtre, après Siegmund de la Walkyrie et Parsifal dans l’espace énorme du Met, les plus vibrants Manrico de Trovatore et Alvaro de Forza del Destino, tous deux en 2013, à Munich, en équipe, avec des partenaires de son rang. Des Grieux de Puccini est pour demain, Chénier et l’Otello de Verdi pour après-demain. À peine en milieu de quarantaine, une énergie ascensionnelle qui pour l’instant est encore celle même de la vie, émane de lui, et rayonne. Ces six ou sept dernières années littéralement il a éclaté, Lohengrin à Munich, Don José à Londres, Werther à Paris le consacraient dans sa différence : romantique, poétique comme on n’ose plus et ne sait plus l’être, la voix et ce regard qui va avec sa voix, porteurs de vision. Était-il capable de tout ? Déjà à Zurich (où la salle est petite) et Munich, il avait été Parsifal déclamant, visionnaire. Mais Siegmund l’installait dans une action autrement véhémente, une couleur autrement sombre, une tessiture barytonnante. Et cela au Met !

N’était-ce pas pousser sa carrière contre la qualité même de sa voix, autrement lumineuse, autrement lyrique ? Le fait est que des récitals, mélodies et lieder mélangés, ont laissé voir là-haut quelques étranglements, assèchements aussi. On craignait pour lui, par la diversité même de ses dons et de ses emplois possibles. Les Troyens à Londres, assurément le spectacle le plus attendu de 2011, l’ont vu déclarer forfait. À peine s’il a pris deux mois de repos. Maigri, athlète, un look d’enfer, il a repris. Et où ça ? À Salzbourg même ! En janvier 2012 à Munich avec Anja Harteros, complice de leur miraculeux Lohengrin, leur Don Carlo nous offrait le chant le mieux rêvé et soupiré, le mieux communiqué, le chant le mieux chanté qui soit. Qu’on se le dise. Jonas sait ce qu’il fait. Bien entouré, en équipe, il est lui-même à 100%. Davantage noir et bronze (le rôle le veut) en Alvaro : mais à 100%. L’ennui est qu’à Munich, notamment, il devient impossible de l’attraper sur scène : six mois à l’avance c’est ausverkauft.

Heureusement le disque est là, mais un récent Winterreise à Paris le confirme : Kaufmann est meilleur en direct qu’en studio, son ascendant s’exerçant d’un seul trait, dans la continuité, de façon presque hypnotique. En studio il reviendra sur telle paille d’intonation, tel détail textuel, le grand arc autoritaire de la projection y perd un rien. N’empêche. Avec l’indispensable Helmut Deutsch au piano ce nouveau Winterreise de Sony nous apporte tout à neuf : la vision ; et le texte ; et la solitude. Werther est là qui marche dans les neiges.

Mais mieux encore on a le DVD. Lui, forcément, est live ; il apporte une représentation telle quelle, à ceux qui n’ont pu y assister. La projection de scène, le détail du visage, la personnalité, tout y est, vu de près. Comptons. De Zurich dès 2002, on a Nina de Paisiello avec Bartoli, et Fierrabras, la Clemenza, Königskinder : un challenger surdoué. Déjà à Londres 2006, avec la Carmen d’Antonacci, le champion se montre ; et il éclate, en 2010, avec le triplé de Lohengrin à Munich, Werther à Paris, Adrienne Lecouvreur (avec Georghiù) à Covent Garden. Voici maintenant du Met, Faust, lyrique, exquis de français, Parsifal saisissant d’intensité, de vision. Sont annoncés de Salzbourg 2012 Don Carlo (avec Harteros, partenaire rêvée), Ariadne. On finira bien par diffuser la Fanciulla de Vienne avec Nina Stemme et les récents Verdi de Munich, Trovatore et Forza del Destino. Avec l’image, son engagement dans l’action, Kaufmann au DVD est un théâtre complet que chacun peut, doit s’offrir chez soi !

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