On n’a pas tous les jours 20 ans

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Christian Bernard Le 22 septembre prochain, le Mamco (Musée d’art moderne et contemporain de Genève) fêtera ses vingt ans d’existence. Le bel âge, dit-on, celui de tous les possibles. À l’échelle d’une vie humaine, ces quatre lustres ne sont pas rien. À celle d’une institution muséale, ils sont encore peu de chose. Pourtant, que de chemin parcouru depuis 1994 ! Vingt ans durant (1973-1994), le projet citoyen de création d’un musée pour l’art de notre époque, a été l’Arlésienne de la vie culturelle genevoise. En effet, l’adhésion politique à ce projet s’est longtemps mesurée, pour l’essentiel, au bâtiment acquis par la Ville à la suite d’une forte mobilisation associative (en 1989). C’est une fondation privée qui l’a rendu possible, l’a soutenu et développé presque seule jusqu’en 2005. Enfin, le Mamco s’est ouvert sans autre collection propre que celle, très modeste, que lui a offerte, à son inauguration, l’Amam (Association pour un musée d’art moderne) qui allait devenir l’Association des Amis du Mamco. Bien peu nombreux étaient ceux qui étaient prêts à parier, en 1994, sur l’avenir et la pérennité du Mamco, ce musée si étrange où les uns voyaient le caprice d’une fraction de la bourgeoisie locale tandis que les autres y découvraient les objets abscons d’un milieu corrompu par les rêves progressistes. Il faudra toujours reconnaître aux sept citoyens genevois entraînés par Philippe Nordmann dans cette incertaine aventure, le courage, la patience, la générosité toujours renouvelée et l’indifférence aux Cassandre de tous calibres, dont ils ont...
Christian Bernard
Christian Bernard

Le 22 septembre prochain, le Mamco (Musée d’art moderne et contemporain de Genève) fêtera ses vingt ans d’existence. Le bel âge, dit-on, celui de tous les possibles. À l’échelle d’une vie humaine, ces quatre lustres ne sont pas rien. À celle d’une institution muséale, ils sont encore peu de chose. Pourtant, que de chemin parcouru depuis 1994 !

Vingt ans durant (1973-1994), le projet citoyen de création d’un musée pour l’art de notre époque, a été l’Arlésienne de la vie culturelle genevoise. En effet, l’adhésion politique à ce projet s’est longtemps mesurée, pour l’essentiel, au bâtiment acquis par la Ville à la suite d’une forte mobilisation associative (en 1989). C’est une fondation privée qui l’a rendu possible, l’a soutenu et développé presque seule jusqu’en 2005. Enfin, le Mamco s’est ouvert sans autre collection propre que celle, très modeste, que lui a offerte, à son inauguration, l’Amam (Association pour un musée d’art moderne) qui allait devenir l’Association des Amis du Mamco.

Bien peu nombreux étaient ceux qui étaient prêts à parier, en 1994, sur l’avenir et la pérennité du Mamco, ce musée si étrange où les uns voyaient le caprice d’une fraction de la bourgeoisie locale tandis que les autres y découvraient les objets abscons d’un milieu corrompu par les rêves progressistes.

Il faudra toujours reconnaître aux sept citoyens genevois entraînés par Philippe Nordmann dans cette incertaine aventure, le courage, la patience, la générosité toujours renouvelée et l’indifférence aux Cassandre de tous calibres, dont ils ont fait preuve de 1991 à ce jour. Il faudra aussi prendre la mesure du rôle magnifique joué par les Amis du Mamco, une association de 1 200 membres qui a porté le musée au long de ses années de jeunesse.

Aujourd’hui, le Mamco est géré par une fondation de droit public qui associe à égalité le Canton, la Ville et la Fondation Mamco. Il rayonne dans le monde de l’art. Sa forte singularité, ses pratiques innovantes, son style de travail, sa conception de l’exposition et du « musée exposé » sont largement reconnus, étudiés et parfois imités. Sa collection, devenue un bien public inaliénable, compte maintenant plus de 3 000 œuvres qui reflètent son histoire, ses engagements, ses fidélités et proviennent souvent de la gratitude des artistes et de la solidarité de ses proches.

Aujourd’hui, les 45 000 visiteurs annuels du Mamco témoignent de son implantation dans la cité. Ils sont pour 55 % genevois, ils viennent pour 10 % du reste de la Suisse, pour 20 % de France (notamment voisine), pour 10 % d’Europe et pour 5 % du reste du monde. C’est donc bien un musée de proximité, le musée citoyen que nous voulions bâtir.

Trois fois l’an, depuis vingt ans, le Mamco renouvelle au moins les trois quarts de ses présentations (collections et expositions). Cette force de métamorphose lui a permis de constituer et de fidéliser un public varié dont la part captive (les scolaires), n’a jamais dépassé 20 %, tandis que les jeunes de 18 à 30 ans représentent 30 % et les adultes de 30 à 60 ans, 40 % de ses visiteurs. Ce sont là des acquis non négligeables. Ils ont modifié Genève et son image.

L’année des vingt ans sera l’occasion de se réjouir mais surtout de remercier celles et ceux qui ont rendu possible le Mamco : les artistes, les mécènes, les innombrables partenaires ponctuels ou réguliers, les pouvoirs publics et les visiteurs.

Ce sera aussi l’occasion de sortir de nos murs pour aller à la rencontre des Genevois par diverses manifestations dont la succession formera un festival d’un nouveau genre : expositions, performances, concerts, etc.

Plus encore, nous rêvons maintenant d’un musée partagé à l’échelle du Canton et du voisinage. Nous l’appelons le Voyageur. C’est une structure mobile, conçue par l’artiste Fabrice Gygi avec l’architecte Tarramo Broenimann. Une tente capable d’accueillir des expositions, des concerts, des discussions, avec l’art contemporain en partage, à partir des collections du Mamco, pour aller vers ceux qui ne viennent pas (encore) chez nous, à Genève, dans toutes les villes et tous les villages du Canton qui souhaiteront nous recevoir.

Qu’est-ce qu’un musée ? C’est la maison des objets dont nous pensons qu’ils méritent de nous survivre et qu’il nous revient de sauvegarder et de transmettre. Un musée d’art contemporain, c’est aussi un instrument de production artistique, au service des artistes, un outil pédagogique au service de la jeunesse, une offre cohérente d’enrichissement culturel adressée à chacun. C’est, enfin, un espace public qui se doit d’être de plain-pied avec la cité, à l’écart du marché et des dogmatismes idéologiques, un espace accueillant pour tous ceux qui ne craignent pas de renoncer aux préjugés et veulent faire l’expérience des formes et des idées qu’inventent les artistes d’aujourd’hui, formes et idées qui souvent anticipent sur l’évolution de notre vie ou l’éclairent d’un jour nouveau, agrandissant le monde et notre façon de le sentir et de le comprendre.

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